Expliquer pourquoi l’on a pris une photo n’est pas toujours évident. Pourquoi a-t-on déclenché à ce moment-là et pas plus tôt ou plus tardivement ?
Lorsque l’enfant souffle les bougies sur son gâteau, ce moment est attendu par tous les photographes qui veulent immortaliser un instant de bonheur. Et donc tout photographe avisé reconnaîtra que ce moment est évidemment l’instant à saisir pour prendre la photo, car l’action, les mimiques et toute une série de choses sont au rendez-vous, ce qui fait que les photographes du monde entier ne la manqueraient sous aucun prétexte.
Par contre les photographes les plus subtils vous diront que le meilleur moment est peut-être à situer avant que l’enfant ne souffle, car, très souvent, cet instant laisse une place un peu plus grande à l’histoire qui se déroule. Chacun pourra alors imaginer ce qu’il voudra. L’enfant a réussi à éteindre les bougies ou non, et tout ce que l’on peut supposer…
Bref, si la première photo est un récit, la deuxième photo devient un roman… Lorsque je compose un roman, photographiquement parlant, je prends une image parce que je perçois que c’est le moment de le faire, mais je ne sais pas toujours où cette action m’amènera.
La photo que je présente ici a été réalisée à l’aide de mon nouveau Fuji X100 que je testais pas loin de chez moi. J’ai ressenti qu’une histoire était en train de se préparer et qu’il fallait que je sois moi-même prêt à la capter. Je ne connaissais pas cette histoire. J’avais seulement envie de l’inventer parce que devant moi se trouvaient tous les éléments essentiels à la composition de mon roman à savoir la scène, les acteurs et l’atmosphère. En somme, comme le dirait Gilles Durvaux, il y avait du potentiel…
Il est fort probable qu’au fond de moi-même, avec les années, sans que je ne m’en rende réellement compte, mon esprit est appelé à réagir face à certains stimuli photographiques. Il en découle alors un roman ou un récit.
Je dois avouer que, pour une fois, j’aime ma photo (ce qui est rare chez moi ! ) et donc mon roman parce que, la chance aidant, il ne m’ a fallu qu’un déclenchement pour mettre les éléments en place : les personnages sont, pour moi, là où ils devaient être, le plus éloigné étant énigmatique de par sa forme. Il me semble que l’atmosphère sombre, le contre-jour face à un « restant de lumière et de couleur » amène ce qu’il faut pour que l’on ait envie de poursuivre soi-même l’histoire qui est en train de se dérouler. J’ajoute tout de suite que, techniquement parlant, je n’ai que sous-exposé la scène. Les couleurs sont devenues ainsi plus saturées.
Je voudrais terminer en insistant sur le fait que ce roman, je l’écris d’abord pour moi. Cela explique peut-être pourquoi je continue encore à croire en mes possibilités photographiques, car j’arrive encore à me faire rêver et imaginer.
Mon roman s’ intitule « Abordage ».
Définition d’abordage : assaut d’un navire à un autre, collision, action d’atteindre un rivage, d’aborder…
Francis Descotte, Président du Photo-Club de Pont-à-Celles