Nous ne pouvons nier que la plupart des sujets ont déjà été photographiés (La Bruyère disait déjà au 17e siècle que tout avait été dit !).
Néanmoins, dans le cadre d’une photographie souhaitant développer une vision personnelle ou plus « artistique » (très éloignée d’une photographie de type documentaire), nous nous rendons compte que la déception du spectateur est souvent liée à la manière de photographier le sujet qui, le plus souvent, a toujours été photographié de la même manière, sans vision créative. Pensez à la photographie devenue souvent insupportable du Taj Mahal ou de la tour Eiffel !
On peut observer le même phénomène dans le domaine de la littérature : le thème de l’amour (sujet rabâché s’il en est) peut être traité médiocrement avec tous les clichés y afférents ou peut être traité d’une manière originale par des écrivains de talent.
Pour en revenir à la photographie (à visée « artistique »), sans nier la valeur du sujet, c’est surtout la manière de prendre celui-ci qui est importante.
Prenons l’exercice que j’appelle « l’exercice de la statue » : demandez à dix photographes de photographier une statue, selon leur vision personnelle, et vous décèlerez rapidement les diverses approches et les éventuels talents.
Créer sa vision personnelle même en photographiant un sujet maintes fois photographié ? Possible et cela relève de l’art. Et cela s’apprend : cadrage, composition, traitement, point de vue, vue partielle ou totale, écriture… tout s’apprend, mais peut aussi être transgressé à la condition de savoir pourquoi l’on transgresse tel ou tel principe.
Par contre, faire et refaire ce que de nombreux photographes ont réalisé bien mieux que nous, cela n’a aucun intérêt. Pensons à ces interminables pauses lentes en format carré, à ces portraits éculés et bien colorés (parfois en HDR !!!) d’africains et asiatiques, vus de face si possible, à ces paysages d’Islande vus et revus cent fois, à ces « à la manière de », à ces visions touristiques toujours les mêmes, aux nombreux « Street Shot » sans réel intérêt (comme s’il suffisait de photographier des gens dans la rue !), etc.
C’est donc bien, comme le souligne le grand Arnold Newman, la manière dont on photographie, pas ce que l’on photographie, qui importe. En d’autres termes, je pense que le sujet, quel qu’il soit, peut-être transcendé par la vision personnelle du photographe.
Et finalement l’écoeurement que nous subissons parfois à voir les mêmes sujets traités sous le même angle devrait être un détonateur pour nous stimuler à sortir des sentiers battus par des voies alternatives liées à un regard à la fois sincère, personnel et créatif.
Jean-Pierre Leclercq, membre du Photo-Club de Pont-à-Celles